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Ecriture, nature,musique, photos

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14 septembre 2012

Ciel crépusculaire

SAM_2746

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2 février 2012

02 février. Il neige en Provence

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20 septembre 2011

L’écart Toute ma vie J’ai recherché dans la

L’écart

 

Toute ma vie

J’ai recherché dans la parole

Et l’écriture

La parfaite coïncidence

Avec ce que pense, éprouve, ressent

Celui ou celle qui la pratique.

J’ai toujours été troublée,

Quand soudain il me semblait percevoir

Le décalage, même le plus subtil,

Entre les mots et la réalité vécue, rêvée, d’une personne.

La poésie s’aiguise sans cesse

A la pierre intérieure dont nous sommes la gaine

Le moindre silence inadéquat, la plus petite omission

Déviation, compromission

Pire, le mensonge ou le calcul

Lui ôtent tout tranchant.

Alors, nous ne la croyons plus.

20 septembre 2011

Un hôtel sans nom Pour le voyageur contemporain,

Un hôtel sans nom

 

 

 

Pour le voyageur contemporain, pas de souci avec " Mappy " ! Avant le départ on tire son itinéraire et, facile, on arrive à son hôtel sans problème.

Aussi, suivant sagement notre plan, entrâmes nous, sans le moindre doute, dans les rues déjà surpeuplées de Propriano.

De surcroît presque tous les établissements ont disposé de panneaux indicatifs dés l’entrée des villes et, en effet, bien en évidence on put lire : " LE CLARIDGE ".

Poursuivant notre direction vers la rue Bonaparte où il était censé se trouver, quelle ne fut pas notre surprise de découvrir une rue montante, alternant immeubles très populaires, façades proprettes et pavillons trônant au milieu de jardins invraisemblables, mais de " CLARIDGE " point !

Incrédules, nous remontâmes plusieurs fois le long de la chaussée en voiture, prenant inlassablement le même rond-point. Cependant toute tentative s’averra vaine. On eut beau observer à droite, à gauche, au début, au milieu, à la fin, rien…

Pourtant Mappy et le panneau municipal étaient d’accord : le " CLARIDGE " était bien là.

Certes, on pouvait utiliser notre portable, mais il nous paraissait vaguement ridicule de ne point atteindre notre but sans l’aide supplémentaire de cet appareil !

Aussi nous revînmes vers la rue principale, longeant le port, nous laissant distraire par le charme de ses barques de pêche et l’alignement blanc des yachts.

Finalement il était temps de se décider à poser les bagages. Repérant une brave dame dans la foule, nous serrâmes notre véhicule le long du trottoir et tout en baissant la vitre nous posâmes la fatidique question : " Connaîtriez-vous le CLARIDGE, rue Bonaparte ?" .

Avant la réponse nous eûmes droit à un grand éclat de rire. Un peu interloqués on se demandait bien pourquoi, attendant une explication. " C’est bien le seul endroit que je connais dans tout Propriano ", poursuivit-elle, " c’est l’hôtel où nous venons de descendre avec mon mari et je venais me dégourdir les jambes, j’ai marché un peu au hasard, alors, je ne peux pas être très précise, mais c’est là derrière tout prés ". Et elle nous renvoya d’où nous venions.

Cette fois, on était décidé à tout passer au peigne fin. Sans succès. Il fallut se résoudre à interroger cette fois deux dames qui sortaient d’une porte cochère. Nouvel énorme éclat de rire de leur part. " Vous êtes devant " affirmaient-elles, nous montrant un bâtiment crépi de rose, avec quelques balcons repeints de frais. Et devant nos airs stupéfaits elles ajoutèrent que le panneau signalétique de l’hôtel venait d’être démonté il y avait environ une demi heure et que les ouvriers allaient le remplacer certainement dans l’après midi !

Nous nous présentâmes à l’accueil gagnés à notre tour par un tel fou rire que nous n’arrivions pas à donner nos noms et nous contentions de hoquets sous l’œil du réceptionniste qui se demandait bien quelle langue on parlait !

20 septembre 2011

Bordel de touristes ! Non, ne croyez pas que ce

Bordel de touristes !

 

 

 

Non, ne croyez pas que ce sont les corses qui nous désignent ainsi nous les touristes, car ils ont le respect de l’hospitalité.

C’est nous qui abusons de notre statut quelquefois.

Le soir de la fête de la musique nous étions à Ajaccio et nous parcourions le centre avec délectation passant d’un groupe à un autre jusqu’à ce qu’une scène nous arrête. Dans un bar animé et joyeux un guitariste un peu rond comme ses lunettes, cheveux blancs, cigare aux lèvres et profitant de la moindre pause pour boire une gorgée de son anisette, jouait et chantait. Et tout autour de lui, pareils à une nichée hétéroclite, des garçons et des filles, du plus petit (âgé à peine de quatre ans peut-être) au plus grand (déjà ado) l’accompagnaient. Ou plutôt faisaient successivement leur solo accompagnés par lui. C’était si touchant dans la complicité, la bonhomie que nous nous attardâmes plus que de raison réalisant soudain qu’il était plus que temps de regagner notre hôtel si nous voulions profiter de la journée du lendemain. Hélas nous avions oublié que nous étions dans une grande ville partie pour toute une nuit de fête et de folie et les embouteillages inextricables nous firent vite comprendre que reprendre notre voiture dans ces conditions c’était nous trouver coincés.

Sortant notre plan de ville de la poche nous le déployâmes sous un réverbère avec l’espoir de découvrir un parcours qui nous mène à notre chambre avant le petit matin. Décidés autrement à finir par des kilomètres à pieds ! Comme nous nous concertions, une belle dame brune aux yeux clairs nous proposa de nous renseigner. " Avions nous besoin de quelque chose ? ". Cette sollicitude gratuite nous laissa un peu circonspects et je demandai sans ménagement s’il y avait moyen de sortir de ce " bordel ". Les yeux pleins de finesse me firent répéter tiquant sur le choix du terme. Je bafouillais donc qu’il s’agissait d’échapper à la " panique " de la circulation. Elle prit le temps méthodique de demander où nous étions garé, où nous nous rendions et nous dévoila d’abord en paroles puis par le doigt sur notre plan comment sortir de ce piège. Elle eut même la courtoisie de nous signaler combien les lumières sur la ville et la mer seraient agréables à admirer en tel et tel point. Tout aussi discrètement notre guide providentielle repartit dans la nuit.

Je revois aussi une touriste comme surgie d’un magazine de mode avec ses longs ongles américains, son maquillage impeccable et ses mèches disciplinées et parfumées demander au serveur d’un restaurant de la vallée de la Restonica, où elle pouvait voir des cochons sauvages. " Mais, madame un cochon sauvage étant sauvage par définition, nul ne peut dire où il va se trouver ! ". Elle était déçue et le soupçonnait, je pense, de mauvaise volonté.

Bordel ! je ne pus m’empêcher de songer à elle quand sur la route du lac de Calacuccia, nous eûmes la surprise de voir une harde de sangliers, et chaque fois qu’on rencontra au hasard des routes et des plages, des chèvres, des vaches, des chevaux, je pensais encore à elle.

Et les dames de Casamaccioli comment nous jugèrent-elles ? Elles conversaient sur leur banc quand nous vînmes les interrompre pour nous faire indiquer le chemin menant au lac où nous voulions pique niquer. Observant à nos pieds les souliers de marche elles nous suggèrent de ne point aller vers le lac (c’est un lac de retenue que le village exècre alors qu’il nous paraît si beau avec tout autour les hauts sommets de l’île) mais dans la direction opposée vers un petit torrent qu’eux les habitants lui préfèrent de toute éternité. Fatigués par la lumière de midi et la distance plus importante à parcourir nous nous obstinâmes dans notre choix. Et elles hochaient la tête sans aller jusqu’au mépris, désolées de l’inconséquence de ces touristes qui pour elles n’ont rien de vrais montagnards. Bordel !

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20 septembre 2011

Les balayeuses de pétales de PIANA Le village de

Les balayeuses de pétales de PIANA

 

 

 

Le village de PIANA est associé irrésistiblement à ses fameuses " calanche " (le pluriel corse des calanques), dont le granit rose au dessus d’une mer d’un bleu difficile à nommer assaillent l’imaginaire par ses formes déchiquetées, chaotiques que l’œil du passant et son esprit aussitôt s’emploient à construire en quelque chose d’identifiable : un chien, un cœur, un château. Mais non aucun terme ne convient pour rendre l’impression vertigineuse de cet univers comme en fusion totalement déséquilibrant malgré sa gravité de pierre.

Le bourg par contraste est d’une paix confondante, une sorte de sérénité millénaire s’y impose en dépit des passages incessant des cars de tourisme, des cyclistes et visiteurs. Ils ont beau s’emparer de l’espace, on n’y croit pas tant on est gagné immédiatement par une tranquillité intemporelle, comme si les haies d’eucalyptus de la route avec leur parfum transformaient votre mémoire en un encens volatile et dilataient votre corps jusqu’aux confins du ciel, des arbres, des vagues, des maisons en amphithéâtre étagées sur la colline.

Ce n’est pas une ivresse, plutôt un brusque état de vigilance extrême de la conscience qui sans être jamais venue là se reconnaît partout. Dans l’église Sainte Marie (pourtant mon goût ne va pas au baroque, mais celui-ci est si évident de sobre simplicité !), dans les Saint Patrons qu’elle honore : Antoine l’abbé qui mit le diable (un sanglier bien entendu…) à ses pieds et en fit son fidèle compagnon et Saint Roch sauvé par un chien qui lui porta son pain chaque jour. Dans sa place accueillant la clarté, dans ses venelles impeccables où l’horizon lui même semble nettoyé au pinceau, dans chacune de ses maisons passées à la chaux blanche ou tirées des pierres du pays. On s’arrête sous les fenêtres agrémentées de fleurs ou de rideaux crochetés, devant les escaliers dont les marches sont colorées de plantes et de pots, devant les portes si vivantes par les veines différentes du bois extrait de la forêt proche.

Pourquoi de simples éléments de la vie quotidienne produisent-ils un tel effet ? Je crois qu’une partie de la réponse m’a été donnée par un vieil homme dont la terrasse ouvrait sur le golfe. C’était une habitation pauvre mais dans un site exceptionnel. Sans doute vivait-il là depuis sa naissance ou presque et cependant il sortit, s’accouda à sa balustrade et il regarda la mer. Longuement, rien de plus, sans le moindre ennui, comme s’il s’étonnait encore après toutes ces années de trouver tant de satisfaction, d’élévation de lui même à contempler ce spectacle. Non loin se trouve le hameau de Vistale où vécurent les grands parents d’une citoyenne d’honneur de PIANA : Danielle Casanova. Elle a donné son pseudonyme à un bateau, elle a été chantée par Yves Duteil dans " Maquisardes ". Communiste et résistante elle inscrivit sa figure dans l’histoire de la seconde guerre mondiale. J’aime à penser qu’eux aussi ouvraient leurs yeux de la même manière qui permet de voir, pas comme le mesurait l’oculiste mais à la mesure d’une pensée qui ne s’éloigne jamais du cœur.

Alors PIANA restera pour moi non les sublimes panoramas sur Senino ou Scandola mais une image : celle de femmes vêtues de sombre et de leurs rides, balai à la main et ôtant scrupuleusement du sol les pétales vifs de leurs géraniums tombés sur la chaussée.

 

20 septembre 2011

La soupe de mon ex femme et le chapon de mon

La soupe de mon ex femme et le chapon de mon tonton

 

 

 

 

Cette soupe, bien qu’on soit dans un port, n’est pas une soupe de poisson. C’est une soupe paysanne, car attention, en Corse, les vagues de la mer se poursuivent par celles des montagnes (encore plus hautes, plus déchaînées et plus impressionnantes) et je n’en dévoilerai pas la recette car c’est un secret qui ne se révèle qu’en famille. Le restaurateur qui la propose n’a plus de femme, elle est repartie vers ses sommets dans son maquis dont sa peau devait porter le parfum unique si particulier des immortelles. Etait-elle blonde aux yeux clairs comme on en rencontre dans certaines vallées ou les cheveux très noirs tirés à partir d’une raie franche ? Je n’en sais rien, mais bien qu’elle ne soit plus là elle reste au menu. Et l’on sent bien que ce n’est pas seulement pour attirer le promeneur . Il y a des personnes qui laissent des traces que l’on se garde d’effacer, leur présence demeure avec une forme de nostalgie ou de reproche ou d’hommage.

Chaque jour quand il fait son marché, chaque fois qu’il prépare la " soupe de son ex femme " ce cuisinier garde ses souvenirs, pas jalousement puisqu’il en fait partager à ses clients au moins un peu de la saveur et cependant avec pudeur et silence. Elle faisait tel geste qu’il imite, peut-être chantonnait-elle et sa voix, maintenant éloignée, il la reconnaît toujours prés de son oreille.

Nous lui avons demandé de nous réserver une table et il n’a pas voulu nos noms , simplement nos prénoms et une heure. Vous serez dehors a t-il décrété et comme je m’inquiétais du vent et de la fraîcheur de la soirée il a pris un air entendu : " Ah ! Vous n’avez pas vu ma terrasse, elle est bien à l’abri, vous ne pourrez être mieux ! ".

Il avait raison. A l’horaire convenu il nous a entraînés vers une minuscule ruelle en pente qui descendait vers la mer. On les distinguait à peine dans l’ombre, mais la rumeur des vagues et celle des passants qui palabraient montaient jusqu’à nous. Les pierres du mur n’étaient pas froides et c’était bon d’y appuyer sa peau et sa fatigue de la journée. C’est alors qu’on a aperçu sur la nappe, non un ordinaire numéro de réservation, mais bien dressée devant nous une carte de la Corse découpée dans du bois et dessus il avait écrit à la craie : " Michel et Martine ". Il nous regarda presque tendrement et murmura d’une voix à peine audible : " Surtout restez ensemble. Vous êtes un couple idéal ! ". Cette remarque était touchante, on comprenait combien lui manquait en cet instant son " ex femme " dont il nous tendait la soupe et qu’elle n’avait certainement pas été remplacée.

Mais nous sommes en Corse et dans la suite du menu voici maintenant " le chapon de mon tonton ". Somme toute nous est ainsi rappelé que même seul on a autour de soi une famille !

Et qu’elle compte. Ne croyez pas que le chapon est ici une volaille, pour le coup c’est un poisson, un genre de grosse rascasse. Les poissons de cette Méditerranée portent des noms trompeurs : l’ange, l’aigle, la pâquerette, le jarret, le mulet, le loup, les beaux yeux, le limon, la cigale…Au fond tout participe à la même famille !

20 septembre 2011

L’Ile Rousse est un chat Bien sûr ce chef lieu de

L’Ile Rousse est un chat

 

 

 

Bien sûr ce chef lieu de canton de la Haute Corse mériterait que je vous parle de son Histoire, de ses grands hommes dont une statue sur la grand-place commémore le plus célèbre (non, ce n’est pas Napoléon !), de son port ravissant, de ses roches de porphyre rouge, de son phare de Pietra d’où la vue est sublime à la fois sur la mer, sur la ville et sur la Balagne, de sa désuète voie de chemin de fer, du pavement de ses rues tellement mieux adapté à la cheville du marcheur que le bitume contemporain inventé pour la voiture, de ses escaliers étagés en écheveaux labyrinthiques, de ses façades galeuses voisinant avec celles pimpantes et restaurées pour le plaisir du riche touriste, de son marché couvert dont j’ai fait le tour des vingt et une colonnes transformées par les enfants en manège, de ses églises, de ses palmiers, de ses platanes et de mille autres trésors remarquables.

Mais l’Ile Rousse restera seulement dans mon souvenir un chat. Ou plutôt un contraste de chats… A l’hôtel, du seuil, a surgi un chaton. Une friandise de chaton, tout tendre avec ses griffes légèrement acidulées pour le jeu. Comme enrobé dans le papier transparent et bruissant de ses yeux bleus. Un animal qu’on prend contre soi, si doux et on se demande si ce qu’on entend battre c’est son cœur ou le nôtre. Il vient renifler votre café, se caresser à votre jambe, il s’étend sur le dos offert pour qu’on le soulève en riant en examinant son museau rose puis en le lâchant délicatement quand il vous y invite avec ses souples contorsions. Evidemment c’est un infidèle, tous les clients se le disputent et il séduit de l’un à l’autre, convaincant chacun qu’il est choisi, s’avançant vers tous et abandonnant chacun.

Et puis sous les fenêtres pauvres des dédales obscurs sont apparues des gamelles puantes remplies d’eau croupie et de riz rance. Rasant les murs des chats faméliques les abordaient prudemment comme inquiets de recevoir un coup de pied d’un passant qu’il fuyaient. Je leur ai adressé la parole selon le code convenu : " minous " en allongeant la syllabe finale avec cordialité. La tête d’une vieilles femme s’est profilée à l’ombre d’un volet, elle disait : " Méfiez-vous, ne les approchez pas, ils sont un peu sauvages, ce sont des chats de rues ". Obstinés à leur rendez-vous avec la maigre pitance ils tournaient autour de l’objet de leur convoitise tout en se tenant à l’écart de moi la dérangeuse.

Quelle leçon profonde tirer d’un fait même pas divers, de sa banalité même ? A vous de savoir, moi j’ai eu le sentiment de saisir ainsi un tout petit peu de ce pays. Pas de son folklore, car ce pays c’est aussi le mien et le vôtre.

20 septembre 2011

Le ramasseur d’oeils de Sainte Lucie En arrivant

Le ramasseur d’oeils de Sainte Lucie

 

 

 

En arrivant à Cargèse, je réalisai que le premier mot qui me venait à l’esprit par un mécanisme d’association, était le nom de COLONNA désigné dans la presse sous l’expression : " le berger de Cargèse " et dont on apprenait que le procès allait se rouvrir pour vice de forme. Etrange que cette périphrase pastorale soit accolée au présumé assassin du préfet Erignac. Comme si, en Corse, les gardiens de chèvres partout ailleurs réputés paisibles pouvaient être ici dangereux. Comment écarter ces images de l’île d’hommes encagoulés, plastiqueurs, incendiaires ? Quoique les paillotes brûlées sur la plage le furent par des gendarmes, des représentants de l’Etat… Situation bien embrouillée dont le tourisme même joue. Je pense au sympathique patron d’auberge qui arrosa notre dessert d’une grappa à réveiller un mort et finit par carrément porter toute la bouteille sur notre table non sans attirer notre attention en riant sur son étiquette provocante: " distillée en cachette des gendarmes. Fabrication frauduleuse garantie " ! Et voilà le soupçon qui naît : cet homme si chaleureux et plein de gentillesse dissimulerait-il derrière son bel œil bleu celui d’un possible tueur ? Et ce tranquille producteur de tomes qui protège sa tête du soleil sous un tricot de corps noué autour du front cacherait –il sous ses rides l’extrémisme buté d’un criminel ?

J’en étais là de mes piètres réflexions lorsque j’aperçus sous la ville une plage merveilleuse, vide, avec deux de ces fameuses paillotes dont le drapeau corse flottait au vent. Alors je me dirigeai vers elle par le raccourci tourmenté d’un torrent à sec qui vous oblige à regarder constamment vos pieds au lieu de pouvoir lever la tête vers les papillons, les nuages et les sublimes points de vue. Sans doute notre vision d’ensemble de la société est-elle ainsi souvent difficile à appréhender par toutes sortes de nécessités qui nous gardent le nez à terre !

Plus j’approchai plus le son de la mer annonçait la tempête en dépit du ciel bleu et de l’éclatant soleil. En effet arrivée sur le sable je vis le déferlement de rouleaux dont la force même, les coloris emportent votre imaginaire tout en mettant votre corps à bonne distance prudemment. Tiens, un petit monsieur minuscule dans cette immensité arpentait la limite humide des vagues, visage incliné vers le sol comme à la recherche de quelque chose. Parfois il se baissait, ramassait cette chose mystérieuse qui restait invisible pour moi. Au bout d’un moment intriguée je m’approchai de lui. " Mais, que faites-vous ? ". A la brusquerie de ma question aurait pu me répondre une mine renfrognée ou un refus. Mais c’est un grand sourire qui se mit à parler. Alors il me raconta la légende, comment dans le grand brassement des eaux les opercules des coquillages tombent et se retrouvent sur le sable fin. Sur cette porcelaine nacrée un œil se dessine et pour eux, les corses c’est celui de Sainte Lucie qui s’adressa à la vierge pour obtenir la guérison de sa mère incurable et s’arracha les yeux .En hommage à sa dévotion Marie les lui rendit encore plus magnifiques. Au creux de sa main qu’il ouvrit je vis apparaître les oeils de Sainte Lucie. Et alors, il me les donna, d’abord un, puis tous (comme s’il n’avait pas voulu n’être qu’à moitié généreux). Les porter sur soi c’est être protégé. Ils ne me quitteront jamais ces yeux, ils me disent la confiance, l’accueil fait à l’étranger dans ce pays superbe à la fois et tragique. Ils ont ouvert mon regard que les clichés avaient brouillé. Ils me rendaient par delà les faits divers, l’humanité de cette terre.

20 septembre 2011

Pauvre bougre Sur la place du petit village un

Pauvre bougre

 

Sur la place du petit village un grand-père avait installé un pliant aussi vieux que lui, non loin de sa porte, contre le mur de basalte de sa maison, là où le platane fait une bonne ombre et, il lisait…

Il tenait son ouvrage entre ses mains noueuses, épaissies par la corne du travail manuel, avec la même délicatesse qu’il mettait à cultiver ses hortensias, de grosses boules dont la couleur bleue semblait arroser son expression de jouvence et répandre sur lui des gouttes de ciel. Non loin de ses doigts tremblants qui tournaient les pages, sa canne de châtaignier restait à sa portée. C’était son calme de savoir qu’il pourrait s’appuyer sur elle lorsqu’il devrait se redresser.

Quand j’arrivai prés de lui, il leva les yeux : car, s’il est bien de se laisser prendre aux lignes, elles doivent s’effacer devant le passage concret d’une vie humaine. Même la plus misérable vaut plus qu’une illusion de littérature. La politesse est de lui faire place et de tenter l’échange, car sans lui disparaît le sens véritable des œuvres.

Mais que cherchait cet homme sur le papier, lui dont l’instruction n’avait pas dépassé l’école primaire ? Lui dont la jeunesse avait été louée en travaux agricoles, à garder des bêtes, à faire un peu maçon, avant de trouver à l’usine de moulinage un emploi plus sûr qui lui avait laissé cependant la nostalgie des précédents ? Comme s’il avait entendu ma question informulée, il m’expliqua qu’il avait été attiré par le titre du livre : " Pauvre bougre ", une expression dont on se servait beaucoup autrefois, dit-il, pour parler de l’homme qui n’a rien et en dépit de tous ses efforts, de ses mérites, demeure dans ce rien. Sa seule consolation tient à la compassion d’autrui envers sa fatalité malchanceuse. A qui l’attribuer ? A sa personnalité, au hasard, à dieu, à la société ? Avec finesse il nota que le terme au masculin est teinté de pitié, désigne un brave type, alors qu’au féminin il prend un caractère péjoratif associé à une méchanceté méprisable. Pourquoi ?

" Pauvre bougre ", répétait-il, comme un constat qui prenait le visage de personnes qu’il avait vu vivre. Il roulait un peu les " r ", comme on le fait en patois, et je percevais dans sa litanie certes de la commisération mais aussi de l’indignation, de la dénonciation, presque une incrédulité devant un tel sort. Et aussi de la tendresse pour ce qu’il aurait pu être mais n’était pas devenu. Et voici que surgissait le contenu du livre : des moutons, des brebis, des vaches, des prés, des landes maigres, des carrés de patates à coté de masures. Pas d’argent mais du travail pour réponse aux besoins. Il avait fallu nouer les genêts qui ne coûtent rien pour en faire des toits ou des balais, fabriquer des lauzes aussi pour résister à la burle du plateau, couper du bois dans la forêt pour se chauffer, utiliser jusqu’à la cendre. Garder les calendriers des PTT pour remplacer les carreaux quand ils se cassent, conserver le moindre bout de ficelle, de carton. Des efforts incessants, une parcimonie pointilleuse dont l’unique gain avait été la survie. Je sentis en lui une fierté et une désolation qui me firent saisir que la lecture ne se résume pas à se projeter dans le monde d’un écrivain, ni à y reconnaître une part de sa propre identité.

C’est être ensemble " un pauvre bougre ", admettre son impuissance face à la difficulté de sa condition de mortel tout en étant capable de profiter des constructions extraordinaires du langage et de prendre le frais sous les branches, en conversant avec ses semblables, un bâton à proximité de la main pour revenir enfin chez soi.

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